De Bruin : Substances de croissance
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Oswald Auguste de Bruin

Georen te Utrecht



RECHERCHES SYNTHÉTIQUES DANS LE DOMAINE DES AUXINES


 


INTRODUCTION

Les expériences de Went en 1927 ont attiré l'attention sur le fait que dans le processus de l'extension cellulaire des végétaux supérieurs certaines substances chimiques jouent un rôle particulier. On a pu constater, au moyen du test d'avoine, par des expériences de diffusion, qu'une matière au poids moléculaire relativement bas règle l'extension cellulaire dans la jeune plante d'avoine. La vitesse de diffusion de cette substance dans l'agar-agar indiquait un poids moléculaire entre 300 et 400. Le test d'avoine donnait des résultats reproductibles de sorte qu'on put également étudier le côté chimique du problème. L'hormone de croissance des végétaux supérieurs, à laquelle Kögl donna plus tard le nom d'auxine, ne se présente en général dans les végétaux qu'en concentrations très restreintes. Lorsque Kögl et Haagen-Smit eurent trouvé dans l'urine de l'homme des quantités relativement grandes de cette hormone, ils purent, en 1931, isoler de l'auxine sous forme cristalline.

 

Plus tard on parvint aussi à isoler cette substance de croissance en partant de matières végétales (malt et huile de maïs), tandis qu'on trouva en outre une seconde substance active de caractère analogue, et pour faire la distinction on nomma ces deux hormones « auxine-a » et « auxine-b »

 

Une analyse élémentaire et une détermination du poids moléculaire de l'auxine-a donnèrent la formule brute C18H32O5. Peu après on put constater que cette substance contenait un groupement carboxylique, ainsi que trois groupements d'hydroxyle alcoolique. Un de ces hydroxyles doit se trouver en position 8 par rapport au groupement carboxylique, car il se présente une mutarotation qui se stabilise rapidement. De la façon dont s'effectue l'hydrogénation catalytique il s'ensuit que la molécule doit contenir une double liaison, tandis que l'analyse de la dihydroauxine-a permet de calculer la présence d'un cycle carboné.

 

Après l'oxydation de l'auxine-a au moyen d'une solution de permanganate alcaline il se forma un acide dicarboxylique (C13O4) à activité optique. La dégradation et la synthèse prouvèrent que cet acide était l'acide a,a'-bis(1'-méthylpropyl)-glutarique.

 

L'oxydation de la dihydroauxine-a par le trioxyde de chrome donna une cétone cyclique dont la formule de constitution est la suivante (II): 

 

Les résultats de ces deux dégradations oxydatives des auxines -a et -b démontraient clairement que la double liaison doit se trouver dans un cycle pentagonal, tandis que les cinq atomes de carbone qui restent doivent être fixés au cycle pentagonal à l'emplacement du groupement carbonyle.

 

Jusqu'ici nous n'avons prêté attention qu'à l'auxine-a, puisque, comme il a été prouvé plus tard, l'auxine-b peut être obtenue de l'auxine-a par déshydratation. La dihydroauxine-b de même que la dihydroauxine-a donne, après oxydation par l'oxyde de chrome, la cétone II, de sorte que la constitution des auxines ne diffère que dans la structure de la chaîne latérale. En chauffant l'auxine-b au-dessus du point de fusion on a pu constater l'élimination d'une molécule CO2, ce qui a permis de conclure que le groupement carbonyle, dont l'analyse a prouvé la présence, doit se trouver en position b par rapport au groupement carboxylique. Les premières réactions avec le chlorure ferrique ont échoué. Plus tard on a pu, après exposition aux rayons ultra-violets dans une cuvette en quartz, constater réellement une coloration rougeâtre. Par conséquent on put fixer pour l'auxine-b la formule de constitution suivante (III) :

 

En partant des produits de réaction obtenus après l'oxydation de l'auxine-a par le tétracètate de plomb on a pu démontrer la présence d'acide glyoxylique et d'un oxy-aldéhyde avec seize atomes de carbone. Ceci prouvait donc que les atomes de carbone ayant une position a et b par rapport au groupement carboxylique portent chacun un hydroxyle, d'où il s'ensuit qu'une scission oxydative des alpha-glycols peut se produire. Pour l'auxine-a, Kögl fixa la formule suivante (IV) :

 

Maintenant le passage de l'auxine-a à 1’auxine-b peut être formulé de façon distincte:

 

Dès les premières tentatives d'isoler l'auxine on s'aperçut que la teneur en substances de croissance d'un concentrât diminuait beaucoup avec le temps. On trouva aussi que les cristaux de l'auxine-a et -b et leurs lactones avaient perdu complètement leur activité au bout de quelques mois. Ni le vide poussé, ni l'exclusion de la lumière, ni une température basse ne pouvaient entraver ce processus. Les cristaux devenus inactifs ne se distinguaient des préparations actives ni par leur aspect, ni par leur formule brute. Le point de fusion et la rotation au contraire s'étaient modifiés.

 

En partant d'une préparation d'auxine-a devenue inactive on a pu isoler par cristallisation deux substances nouvelles dont la rotation différait, mais dont la formule brute était égale à celle de l'auxine-a. Dans la pseudo-auxine-a1 et -a2, comme on a nommé ces isomères de l'auxine-a, la double liaison (coloration jaune avec le tétranitrométhane) et le groupement carboxylique libre (réaction au tournesol) étaient encore présents. Toutefois on ne constata plus de mutarotation.

 

On ne put se rendre exactement compte de cette propriété caractéristique de l'auxine-a que lorsque Kögl, Konings-berger et Erx1eben) réussirent à isoler, après oxydation de la pseudo-auxine-a1 par l'ozone, une cyclopentanolone (V) sous forme de phénylhydrazone.

 

La formation de cette acyloïne ne peut être expliquée qu'en admettant qu'il se produit une transposition allylique pendant l'inactivation.

 

Donc l'hydroxyle d subit une migration au carbone z, tandis que la double liaison devient semi-cyclique.

 

Ceci explique la formation de deux isomères physiologiquement inactifs, et en même temps le fait que ceux-ci ne présentent plus le phénomène de mutarotation.

 

On se heurta à des difficultés plus grandes en cherchant à expliquer l'inactivation de la lactone de l'auxine-a (VIII).

 

Ce changement ne peut pas s'expliquer par une simple transposition allylique, car le corps qu'on obtient garde le caractère d'une lactone. Toutefois les analyses élémentaires démontrent que, pendant la réaction, une molécule d'eau a été éliminée. Durant le processus de l'inactivation il s'est formé une seconde double liaison, car deux molécules d'hydrogène ont été fixées pendant l'hydrogénation catalytique. La déshydratation doit avoir eu lieu aux atomes de carbone a, b ou g, puisque le groupement d-hydroxylique est fixé par la structure de la lactone. La dégradation du produit inactif a toutefois montré que des modifications autres que la déshydratation doivent avoir eu lieu, car dans la dégradation par l'ozone la cétone cyclique C13H24O (II) que nous avons déjà mentionnée s'était formée. La position de la double liaison qui se trouvait à l'origine dans le cycle, doit donc s'être modifiée en passant à une double liaison semi-cyclique. En outre on a pu préparer une semi-carbazone (IX a) avec la formule brute C19H33O4N3 acide au tournesol. Se basant sur ces données Koningsberger établit la formule provisoire IX pour la lactone de l'auxine-a inactivée et la formule IXa pour la semicarbazone.

 

L'étude du spectre ultra-violet dévoila le caractère étrange de la lactone de l'auxine-a. Il n'y a aucune raison, quand il s'agit d'un composé ne contenant pas de système chromophore comme la lactone de l'auxine-a, pour s'attendre à une bande d'absorption dont le sommet bien marqué corresponde .à 295 mm. comme il a été déterminé. L'auxine-a, acide libre, ne présente pas d'absorption spécifique entre 240 et 400 mm. La lactone de l'auxine-a et le produit qui en résulte par l'auto-inactivation ont un spectre absolument identique. Aussi a-t-on remarqué que la lactone de l'auxine-a perd son activité par l'exposition aux rayons ultra-violets, et qu'elle se transforme en un composé identique à celui qui se forme par l'auto-inactivation. Ceci prouve que l'exposition aux rayons ultra-violets accélère beaucoup la modification, qui sans cela s'opère spontanément dans la molécule. Kögl a proposé de nommer cette préparation « lumi-auxone".

 

Il y avait une opposition apparente entre l'inactivation rapide de la lactone de l'auxine-a par les rayons ultra-violets et la stabilité de l'auxine-a dans les mêmes circonstances, parce que la mutarotation indique un équilibre entre ces deux composés. Cette difficulté a été annulée par les expériences de Kög1 et Schuringa. Pour étudier l'équilibre entre l'acide et la lactone on emploie la rotation spécifique. La mesure se fait avec une concentration plusieurs fois plus grande que celle qu'on emploie pour la mesure des spectres ultra-violets. Kögl et Schuringa ont supposé que la concentration des ions hydrogène pouvait jouer un rôle, et en effet une solution très diluée d'auxine-a au pH 4,3 exposée aux rayons ultra-violets se transformait en lumi-auxone.

 

Les mesures des courbes d'absorption ultra-violette de la lumi-auxone furent cause qu'on se mit à douter sérieusement de la formule IX. Cette formule, en effet, était basée sur les données obtenues de la dégradation par l'ozone. Mais ces données ne procurent d'indications que sur l'emplacement de la double liaison. Bo1dingh, vues la courbe d'absorption ultra-violette et la dégradation, examina les possibilités de constitution de la lumi-auxone, au moyen de composés semblables. Finalement il propose de formuler la lumi-auxone comme a-pyrone substituée au carbone six, Quoiqu'il faille une série de transpositions pour en expliquer la formation à partir de l'auxine-a.

 

Nous donnons, ci-dessous la courbe d'absorption du 6-cyclopentyl-a-pyrone (XI) et de la lumi-auxone, ainsi que la formule XI et celle de la lumi-auxone sous la forme proposée par Bo1dingh (X).

 

Bien des raisons portaient à supposer que le test d'avoine devait être spécifique pour des composés ayant une constitution semblable à celle de l'auxine-a et -b. Tout d'abord l'auto-inactivation caractéristique; ensuite le fait que de légères modifications apportées à la molécule, comme l'hydrogénation de la double liaison.

 

l'estérification et l'acétalisation du carboxyle, font disparaître complètement l'activité. Il a fallu abandonner ce point de vue quand Kögl et ses collaborateurs eurent isolé de l'urine et du malt une troisième substance de croissance très active qui s'avéra identique à l'acide indole-3-acétique déjà connu (XII

 

Ce dérivé de 1’indole. par sa synthèse facile, invitait à étudier les rapports entre la constitution de sa molécule et son activité physiologique. Kögl et Kostermans trouvèrent que pour les dérivés de l'indole la distance entre le groupement carboxylique et le noyau pyrrolique joue un rôle important.

 

Nous ne donnerons ici que quelques points principaux qui font entrevoir l'essor qu'a pris par la suite l'étude des substances de croissance des végétaux supérieurs, entamée par Kög1 et ses collaborateurs. Quand on eut pris connaissance de l'action biologique d'une substance simple comme l'acide indole-3-acétique, le problème des substances de croissance prit une grande importance pratique. On développa des tests plus simples et on trouva que les valeurs obtenues selon des méthodes différentes ne pouvaient pas toujours être comparées. On trouva aussi que la substance de croissance, par une trop grande concentration, peut inhiber le développement des plantes.

 

On synthétisa de nombreux composés dont certains étaient actifs et d'autres inactifs dans les tests. Ces nouvelles données sur l'activité permirent à Veldstra de développer une théorie sur le rapport entre l'activité physiologique et la constitution chimique.

 

Nous terminons cette introduction en faisant remarquer que les recherches sur les substances de croissance, entreprises dans un but uniquement scientifique, ont pris au bout de quelques années une importance très grande pour l'agriculture et l'horticulture. Des quantités considérables de ces substances de croissance synthétiques sont appliquées entre autres pour le désherbage, pour éviter la chute prématurée des pommes, et pour favoriser l'enracinement des boutures.

 

RÉSUMÉ

Au Laboratoire de Chimie Organique de l'Université d'Utrecht. après avoir isolé des auxines. on a étudié les possibilités de synthétiser ces corps.

 

Le présent travail envisageait en particulier la synthèse de composés qui, en ce qui concerne la constellation des groupements fonctionnels, peuvent être des substances-modèles de l'auxine-a. de l'auxine-b ou de leurs lactones.

 

En premier lieu on traite les propriétés d'un composé ayant. comme l'auxine un groupement d'alcool allylique. D'après des expériences antérieures, exécutées dans notre laboratoire, on admettait que ce composé devait subir une transposition allylique spontanée. celle qui donne lieu à l'auto-inactivation de l'auxine. De nouvelles recherches démontrent que la substance-modèle dans un milieu privé d'oxygène ne se modifie pas.

 

En second lieu, on indique une méthode générale pour synthétiser les lactones des acides b-céto-g-oxy-carboniques par la réaction de Reformatsky.

 

Ensuite on décrit la préparation d'une série de composés montrant une certaine analogie structurelle avec les auxines. La constitution de ces composés est déduite de la préparation et des données analytiques. Les formules de constitution en question sont encore vérifiées par les conclusions des spectres d'absorption dans l'ultra-violet.

 

II faut mentionner particulièrement la préparation de la lactone de l'acide d-(cyclopentényl-1)-d-oxy-b-céto-pentanoïque. Quant à la constitution ce composé ne diffère de la lactone de l'auxine-b que par l'absence des deux groupements butyliques secondaires du cycle penténique. Ceci indique la voie qui peut conduire à une synthèse totale de la lactone de l'auxine-b.

 

Le test d'avoine n'indique aucune activité de ces nouveaux corps.      Dans la seconde partie de cette thèse on traite un nouvel isolement de biotine en partant du jaune d’œuf. Les cristaux obtenues se manifestent identiques au produit isolé du foie et du lait par les auteurs américains. Autrefois la dégradation de la biotine du jaune d’œuf a donné naissance à un composé inconnu à ce moment, l’acide a-isopropyl-b-sulfopropionique, dont la constitution a été confirmée par une synthèse. La formule de constitution de la biotine, prouvée depuis irréfutablement par les auteurs américains, ne peut pas expliquer la formation de l’acide a-isopropyl-b-sulfopropionique. Il y a discussion des causes possibles de ce désaccord.





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